Il y a bal sur la place du village, il y a bal sous les étoiles, des chansons, des amoureux qui glissent tendres et langoureux.
La musique s’est arrêtée et la piste s’est vidée. Mais elle, elle danse les yeux fermés, sous les regards étonnés. Depuis longtemps elle a oublié les bruits de la vie et tous les mots qu’on dit. Elle n’entend plus les cris. Elle n’entend plus les chants, les rires, ni tout ce qui chuchote, parle ou murmure.
Et après tout, que lui importe ! Elle a mis sa plus jolie robe, a rosi ses lèvres et a posé sur son cou ce bijou d’autrefois, quelques perles de nacre qui roulent sur sa peau nue. Oui, elle n’entend plus tant de choses, tant de choses qu’elle aimait, l’eau qui ruisselait aux pierres des cascades, la mélodie du rossignol un soir d’été, les babillements des enfants, les colères de l’océan, les mots tendres de sa mère.
Mais elle danse, encore, toujours. Elle seule sait pourquoi, pour qui. Dans sa tête, il y a un orchestre et puis, au milieu de l’orchestre, un homme qu’elle a aimé, un homme qui la regarde, qui la désire encore.
Il chante, juste pour elle, des phrases belles, des mots dentelle. Sa voix l’enveloppe toute entière, la transporte et la berce. Elle valse et s’étourdit. Elle est belle, si belle…
C’est un oiseau fragile dont la vie a brisé les ailes. Mais ce soir elle est heureuse. Elle danse…
Annie Kubasiak-Barbier
Mémoires d’un coeur funambule
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