La colline de l’adieu

J’ai fait une découverte aujourd’hui, du genre qui va peut-être m’aider à m’ancrer dans ce cœur de Sologne que je ne connais pas et, bizarrement, ça m’a ramenée à mon enfance dans l’Ile Rouge.

Dans les Hautes-Terres, il y avait une colline où j’aimais m’échapper et me poser, au-dessus des rizières en terrasses. De là-haut, je contemplais les paysans qui travaillaient, courbés en deux, les troupeaux de zébus, l’ocre des cases. Quand j’y repense j’ai l’impression que j’étais alors l’héroïne d’un vieux film colonial. J’y allais toujours toute seule, sauf une seule fois où j’avais emmené un petit copain. Il n’avait pas arrêté de jacasser si bien que, la fois suivante, je n’ai pas voulu qu’il me suive. Ma mère se demandait ce que je pouvais bien bricoler des heures entières là-haut. C’était mon échappée belle, celle d’une gamine de douze ans, un peu solitaire.

Un jour, je suis rentrée en France et j’ai laissé derrière moi cet endroit magique. Les années ont passé et j’ai mis longtemps, très longtemps, à retrouver un endroit comme celui-là. J’avais vingt-trois ans, je venais de me marier et un jour d’automne je me suis laissée embarquer par la beauté des bois de la vallée de l’Eure. Il y avait, en particulier, un sentier de randonnée peu fréquenté qui menait à une autre colline plantée d’orchidées sauvages. J’ai emprunté ce chemin piétonnier et, arrivée là-haut, j’ai découvert, émerveillée, les méandres de la rivière, le clocher du village et à côté un tout petit cimetière, un vieux calvaire et un silence salvateur.

Ensuite, chaque fois que la vie m’a fait une entourloupe, chaque fois que j’ai eu besoin de respirer ou de pleurer sans témoin, je suis retournée là-haut. C’est drôle ce besoin de toujours voir le monde d’en haut. Mais, une fois encore, j’ai dû m’éloigner vers d’autres terres entre Loire et Sologne. Et là, dans ce pays plat d’étangs et de marécages, j’ai découvert mon promontoire, là où je pourrai venir me ressourcer et rêver d’un autre monde entre deux vols d’aigrettes blanches.

Et aux derniers jours de ma vie, sans doute, si j’en ai encore la force, j’irai m’asseoir là-haut pour refaire le tour de mes amours, de mes amis, de mes rencontres, de mes espoirs déçus ou pas, pour boucler la boucle une fois pour toutes.

Ce sera ma colline de l’adieu.

Annie Kubasiak- Barbier

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