LE VENT
Alizée, Aquilon, Sirocco, Mistral, Simoun, Bise, Vent d’Autan …
Et un seul Dieu, Eole, pour régner sur un monde de souffle. Les poètes ont tous chanté le vent et surtout celui qui rend fou.
Hier, Eole s’est un peu époumoné ici et ailleurs et a laissé derrière lui de nombreuses traces. De feuilles rousses en branches brisées, mon jardin est un tapis de chagrin. Mais je dois reconnaître qu’il a fait du ménage en jetant sans ménagement au sol tout ce qui était mort ou en passe de l’être, feuilles séchées, fleurs fanées, aiguilles de pin moribondes.
Ce qui a vécu a vécu semble-t-il dire.
Et là-haut, il a fait place nette, chassé les nuages, rendu au ciel serein son bleu azur et au soleil d’été son royaume.
Alors je suis comme tout le monde sans doute. Je veux profiter de l’instant magique du joli temps revenu mais j’ai aussi le désir impatient qu’en bas mon univers retrouve sa prestance et sa beauté. Alors, avant de « buller » le nez en l’air, je me suis fait violence pour rendre à mon havre de paix sa splendeur.
Et c’est ainsi que l’on passe à côté d’un moment de bonheur. Le vent est un faiseur de miracles mais il n’est pas Dieu partout. Alors parfois s’en reviennent les nuages qui n’ont pas dit leur dernier mot. Et avec eux les regrets de n’avoir pas écouté une fois encore son cœur plutôt que sa raison.
Je vous vois d’ici. Vous vous demandez encore « Mais où veut-elle en venir ? »
Je compare souvent l’homme et la nature. C’est plus fort que moi. J’y retrouve mon compte presque toujours.
Il y a dans nos vies des ouragans terribles, des coups de vent qui balaient nos certitudes. Parfois on les entend gronder de loin mais on refuse d’y prendre garde. Et souvent, la tempête vous tombe dessus, vous secoue, vous dépouille de vos vains sentiments. On se retrouve presque nus, le corps et le cœur à vif mais à deux doigts d’une nouvelle innocence. Sans doute, c’est à ces moments là qu’il faudrait prendre conscience qu’après la tempête revient toujours le beau temps.
Mais c’est comme pour mon jardin. On veut d’abord ramasser ce qui n’a plus lieu d’être, Comme le dit la chanson « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les souvenirs et les regrets aussi ». Alors, on ratisse large et l’on fait un gros tas comme un tas de terreau pour nourrir d’autres sentiments.
On n’a pas toujours tout bon dans ce geste là. Quoiqu’on en pense il reste toujours dans le terreau des épines cruelles et acérées. Mais elles ont le propre de s’y confondre et c’est ainsi que l’on s’y blesse encore.
Alors peut-être vaut-il mieux changer de chemin et repartir le nez au vent vers un autre ciel bleu en laissant derrière soi ses amours mortes et ses souvenirs brisés.
V’là l’bon vent, v’là l’joli vent ….
Annie Kubasiak-Barbier
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